Projet à la portée autobiographique du duo composé du reporter indépendant Olivier Courtois et du dessinateur « Phicil », alias Philippe Gillot, « La France sur le pouce » est la seconde collaboration des deux hommes qui avaient déjà travaillé sur « La Rue de l’intérim » publiée dans La Revue Dessinée. A nouveau, ils se sont inspirés du parcours atypique du journaliste pour composer cet ouvrage. Cependant, cette fois-ci la trame porte sur ces histoires et expériences spontanées que l’on vit et entend sur les routes plutôt que sur la dénonciation d’un système de travail aliénant. 

Ainsi, on suit les pérégrinations en autostop d’Olivier Courtois qui décide, après une rupture et une démission, de partir sur les routes de France pour vivre une vie de nomade, aux antipodes des impératifs des sédentaires. Au fil des kilomètres et des chapitres, le lecteur se laisse surprendre par des rencontres tant loufoques que touchantes à l’image de ce camionneur gay ayant trouvé l’amour à Taiwan ou cet homme dont la vie s’est arrêtée après le décès de son fils. A cela s’ajoutent quelques entrevues étranges flirtant avec l’imaginaire, voire l’étrange. Comme cette nuit passée dans un cimetière près de Verdun où l’auteur engage une discussion avec un jeune soldat allemand enterré loin de chez lui ou ce café partagé avec une statue assaillie et rendue aigrie par les touristes. 

Alternant réflexions personnelles sur le monde qui nous entoure, souvenirs douloureux ou réjouissants et moments de partage simples, l’ouvrage se pose autant en documentaire dessiné qu’en invitation à la spontanéité et à la légèreté. On a vraiment l’impression d’être le compagnon privilégié du voyageur qui vit pleinement son aventure sans pour autant en faire la promotion morale. Et, comme lors d’un long voyage, on se retrouve à remettre en question nos prétentions et nos envies au gré des rencontres et des expériences. 

En définitive, c’est un véritable portrait intimiste tout en nuances de ces Français lancés sur les routes qui nous est proposé par le quadragénaire qui, petit à petit, compare son aventure à un réel métier. Et lorsque l’on parcourt les dernières lignes, on est tenté de vouloir le suivre, lui qui arrivant au terme de sa boucle ne voit aucune autre alternative que de traverser la route pour repartir du kilomètre 0 vers d’autres horizons encore inconnus.