Roman: Safonoff l’alchimiste
De son exil forcé dans un village perdu, l’écrivaine genevoise tire un récit vibrant de révolte, de lucidité et d’humour. Elle confirme son talent pour la transmutation des sentiments, où le fiel se dilue dans l’encre.
Geneviève Bridel
Temps de lecture estimé : 3 minutes
Il fait très beau lorsque arrive, dans une ferme isolée, le camion transportant les affaires que la narratrice accumulait depuis 25 ans dans la maison qu’elle partageait avec son ex-mari. Et dont elle a été expulsée. Son ressentiment, elle le tempère dans un effort d’objectivité: «Qu’est-ce qu’il t’a fait, B.? (…) Il te donne une maison et la reprend. Il ne te l’a jamais donnée. Il t’a placée, puis délocalisée et replacée chez sa fille aînée, lui ayant au préalable acheté une ferme.»
Le chamboulement qui résulte des calculs financiers faits par le B. en question – dont la narratrice est à la fois l’obligée (logée longtemps gratis) et le tourment («écrire sur ses proches est impardonnable») – la pousse à reprendre la plume. La Fortune entrelace les difficultés de ce nouveau présent et les moments clés d’un passé aux angles restés vifs. Ce récit, irrigué par la singulière vitalité de l’autrice, éclaire et rassemble tous les précédents livres de Catherine Safonoff.
L’art de l’